Rien ne s'oppose à la nuit COUP DE COEUR

08/08/2013 10:39

 

Vais-je parvenir à vous retranscrire les émotions qui m’ont traversée à la lecture de ce chef d’œuvre…. Vais-je réussir à faire honneur à cette perle de la littérature contemporaine ?

Delphine de Vigan nous raconte sa mère : Lucile. J’ai lu cette année « Le livre de ma mère » d’Albert Cohen. Il m’avait touché sans m’émouvoir. Là, je viens tout juste de refermer le livre de Delphine et je suis chamboulée. Je ne pourrai rien lire d’autre avant demain. Je veux garder en moi ces émotions encore un peu. C’est rare. J’ai souvent hâte d’entamer une nouvelle lecture, mais « Rien ne s’oppose à la nuit » se savoure jusqu’au bout et même encore un peu plus loin…

Mais pourquoi me direz-vous ? Et bien parce que l’auteur nous livre sa mère à l’état brut. Pas de portrait enjolivé, pas de masque. Lucile était une enfant mystérieuse. Lucile était une mère décalée. Lucile était bipolaire. Mais avant tout, Lucile était vivante envers et contre tous. 

Delphine de Vigan nous donne à lire sa famille. En aucun cas elle ne dresse un portrait des uns et des autres. Elle les raconte sans les juger. Pourtant quand on lit certaines révélations, on s’imagine que la frontière était mince et on sent que Delphine éprouve un profond respect pour chacun des membres qui compose cette famille que les drames n’ont pas épargné.
Cette lecture m’a fait écho. Je n’ai pas une mère bipolaire, mais chaque famille possède ses secrets, ses drames, ses hontes. Je suis éducatrice et en lisant Delphine de Vigan, je me croyais plongée dans la vie d’un des nombreux enfants qui ont croisé ma route. Un enfant devenu adulte et qui nous confie la souffrance qui a été la sienne, la manière dont il a vécu les moments difficiles, son regard innocent sur cette mère qu’il aime tant mais qui lutte chaque jour pour rester en vie. Sa crainte de la trouver morte à chaque retour de l’école….

La plume de Delphine de Vigan est émotionnelle. Elle donne l’impression d’écrire d’une traite. Il y a des virgules comme des pauses nécessaires, mais les phrases sont parfois longues, comme si elle ne voulait pas s’arrêter avant d’avoir été au bout de sa pensée, pour ne pas perdre le fil, pour tenir… Elle nous oblige à aller jusqu’au bout avec elle, ne nous laisse pas l’occasion de nous échapper. Je ne pouvais plus me détacher de ce livre si bien que j’en ai abandonné un autre que je lisais en parallèle. 
J’ai tout aimé. L’enfance de Lucille, racontée à la troisième personne, entrecoupée par les questionnements de Delphine rédigée à la première personne au fil de l’écriture. J’ai détesté, j’ai compatis, j’ai été en colère contre les membres de cette famille nombreuse et atypique. J’ai admiré Georges le grand-père de Delphine, puis je l’ai haï, puis j’ai eu de la peine. L’auteur est parvenu à nous rallier à sa cause : ne pas juger. Ne pas voir les choses que sous un seul angle. Ici elle nous livre le sien. Chaque membre d’une famille peut raconter le même souvenir d’autant de façon. On ne perçoit pas les choses de manière identique selon sa place, son rôle, sa personnalité. Delphine de Vigan s’attache à nous le rappeler. 

Un roman qui sans le vouloir fait un bon sujet sur la psychogénéalogie : les répétitions transgénérationnelles …etc. Un roman à lire non pas comme un voyeur qui veut connaître la vie d’un auteur, mais comme un lecteur dépourvu de toute attente particulière. Se mettre simplement en position d’écouter, de recevoir ce que Delphine avait à dire. Aujourd’hui c’est dit. Delphine de Vigan peut être fière du travail sur elle-même qu’elle a accompli et osé partager avec nous. 

Avec tout mon respect.

 

Edition: Le livre de Poche

Auteur: Delphine de Vigan

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