Les ignobles

04/04/2015 14:46

Ils sont les ignobles, victimes de leur différence, souffre-douleur des cours d'école, les proies de l'ignorance que l'intolérance met en marge de la société. Pour échapper au tableau des opprobres, Camille a préféré couper les ponts avec sa famille. Jusqu'au jour où la mort de ses parents dans l'incendie de leur maison l'oblige à reprendre le chemin de la Vienne. Il recueille alors son frère cadet, Mathis, un adolescent torturé par la culpabilité de n'avoir pu sauver ses parents.



Mon avis :
   
                  Je vais commencer cette chronique en vous parlant brièvement de « Cas mille », la préquelle en téléchargement gratuit que l'auteure a écrit, comme une sorte d'avant-gout au roman « Les ignobles ». Je remercie Huguette Conilh pour sa confiance, car c'est un peu avant tout le monde que j'ai eu la chance de découvrir cette nouvelle et de retrouver sa plume que j'avais découverte dans « Apocalypse snow » (nouvelle parue aux éditions Lune Ecarlate).
   
                  « Cas mille » relate dans les grandes lignes, les raisons pour laquelle Camille, l'un des héros du roman « Les ignobles »,  a été amené à quitté sa famille et notamment son petit frère Mathis. On y rencontre donc un adolescent sujet à des questionnements quant à son orientation sexuelle, et la découverte progressive de son identité grâce à sa rencontre avec Marc. Déjà, à la lecture de cette nouvelle, on sent qu'Huguette Conilh aborde une question de société sous un angle très contemporain, dramatique même. Nous sommes loin de la romance adolescente et davantage dans le thème de la différence et de l'incompréhension qu'elle peut générer. L'auteur pose ainsi les jalons de ce que sera son roman et c'est donc avec beaucoup d'impatience que je me suis plongée dans « Les ignobles » en partenariat avec l'auteure.
   
                  Quelle plongée ! Une fois encore je vais mettre en avant la plume d'Huguette Conilh comme l'une des meilleures que j'ai découverte grâce à mon  blog et mes différents partenariats. L'auteure parvient à non pas décrire mais nous faire ressentir par ses mots, toute l'importance de ce qu'elle veut nous transmettre. C'est simple mais d'une grande finesse. Les phrases s'enchaînent et Huguette Conilh est parvenue à saisir les tourments d'un adolescent, Mathis, face aux drames qui se succèdent dans sa vie. C'est également avec habilité qu'elle nous dépeint les inquiétudes de Camille devant les comportements à risque de Mathis.
   
                  Chaque personnage est à lui-même le protagoniste principal. Même si on peut avoir l'impression de suivre Mathis et Camille en priorité, il n'en est rien. Huguette Conilh a donné aux personnages dits « secondaires » une consistance telle qu'ils en deviennent des éléments centraux. Il y a Aaron et bien sûr Norbert et finalement cette bande de quatre hommes forme une équipe atypique, plusieurs duos se mettent en place et les relations des uns et de autres évoluent, passant de la fusion au rejet, de l'amitié à la haine... L'histoire de nos vies quoi !
   
                  Dans ce roman, l'auteure nous emmène sur le terrain sensible qu'est celui de l'homosexualité. Elle balaie les réactions des uns et des autres face à la découverte par Mathis des choix amoureux de son frère. En effet, Camille est en couple avec Aaron et non, ne vous inquiétez pas je ne viens pas spoiler quoique ce soit, car là n'est pas la substance même de l'histoire que nous raconte Huguette Conilh. Ici, il n'est point question d'assumer ou non son homosexualité ou des questions existentielles qu'elles peuvent susciter chez la personne concernée, mais plutôt de la manière dont l'entourage proche réagit à cet état de fait. Car là est la force de ce roman pour moi. L'homosexualité n'y est pas traitée en tant que telle, c'est davantage l'accueil que lui réserve la société qui est abordé.
   
                  Comment un jeune adolescent de treize ans, traumatisé par la mort de ses parents peut-il comprendre cela ? Mathis va-t-il parvenir à dépasser ses propres préjugés (déjà forts à cet âge) et à vivre sereinement avec Aaron et Camille ? Comment un homme ayant lui-même subit de terribles souffrances peut-il être si peu enclin à la tolérance ? L'ambivalence est prégnante chez Norbert, à la fois bienveillant et soucieux de Mathis, et à la fois emplit de haine pour ce qu'il ne comprend pas...
   
                Au fil des pages, Huguette Conilh nous donne à lire ce que peut-être tant de personnes vivent au jour le jour. Des drames familiaux, des adolescences tourmentées, des différences à expliquer sans en saisir nous-mêmes le sens. L'homosexualité s'explique-t-elle ? Certains y trouveront des raisons organiques, démoniaques même (La grand-mère maternelle de Mathis et Camille est d'une méchanceté sans nom...), quand il ne faut y voir à mon humble avis qu'un aspect supplémentaire de la variété de l'espèce humaine.

   
                  Pour conclure et ne pas en dire trop sur la trame de l'histoire, je dirai que j'ai vécu un moment de lecture intense non pas parce que « Les ignobles » est roman d'action, mais parce qu'il m'a touché profondément jusqu'à m'émouvoir aux larmes tant l'auteur parvient à toucher l'âme des gens, à les faire s'interroger. Je tournais les pages de ma liseuse à grande vitesse pour en savoir plus, pour découvrir ce qu'Huguette Conilh avait décidé d'offrir comme destin à chacun de ses personnages.... Et là, je n'ai pas compris, j'ai tourné une page et c'était la fin. Je suis revenue en arrière, avais-je loupé quelque chose ? Non, rien. Le point final était posé et j'ai mis quelques minutes à m'en remettre. Pourquoi ici ? Pourquoi à ce moment ? Pourquoi après une telle révélation ? J'en voulais plus ! Et pourtant, rapidement, je me suis souvenue du début, et la tension s'est apaisée, faisant place à la compréhension. L'auteure a décidé de mettre un point final là où le lecteur aurait sans doute apprécié d'en savoir plus, mais voici l'interprétation que j'ai de cette fin. Elle m'est totalement personnelle et n'engage donc que moi
   
                  Selon moi, les évènements qui traversent nos vies font plus ou moins de dégâts.  On en ressort plus ou moins forts, mais changé à tout jamais. Ici, Huguette Conilh a décidé de stopper son récit juste après une révélation qui sur le moment m'a semblé capitale pour la suite. Puis, je me suis aperçue qu'elle ne l'était pas tant que ça... Peu importe finalement quelle sera la réaction de Camille face à cette bombe, on sait d'ores et déjà vu qu'on en est arrivé là, que l'amour qui lie ces deux frères est inconditionnel, que rien ni personne ne pourra changer cela. A quoi bon écrire des pages supplémentaires pour dire ce que l'on sait ? Et puis j'aime ce type de fin, chaque roman que j'ai lu et dont l'auteur me surprenait ainsi a été un coup de cœur. Le lecteur décide un peu de sa fin, de ce qu'il veut voir arriver et l'auteur par ce procédé gagne toute mon affection car il me laisse l'opportunité de poursuivre l'histoire dans ma tête ou justement de laisser les choses en suspend comme elles le sont souvent dans la réalité. Sait-on toujours ce qui nous attend ?
   
                  Petite mention pour la couverture réalisée par Vael Cat qui reflètent à merveille l'ambiance du roman.
   
  Editions : l'ivre book
  Auteure : Huguette Conilh
  Pages : 225 sur ma kobo
  Prix : 4,99€ en numérique uniquement et la nouvelle « Cas mille » est gratuite.



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