La couleur des sentiments COUP DE COEUR

01/12/2014 18:06


Chez les Blancs de Jackson, Mississippi, ce sont les Noires qui font le ménage, la cuisine et s'occupent des enfants. On est en 1962, les lois raciales font autorité. Une jeune bourgeoise blanche et deux bonnes noires. Peu croiraient à leur amitié, moins encore la toléreraient. Pourtant, poussées par une sourde envie de changer les choses, malgré la peur, elles vont unir leurs destins, et, en grand secret, écrire une histoire bouleversante.


Mon avis :


N'y allons pas par quatre chemin, ce petit pavé de 600 pages est un gros COUP DE CŒUR mais j'avoue qu'avant même de le commencer je me doutais d'ores et déjà que cette lecture allait me plaire. Je ne me doutais simplement pas qu'elle me tirerait des larmes d'émotion tant j'ai été touché par le sujet et par la manière dont l'auteure nous raconte cette infime partie de l'histoire de la ségrégation raciale aux Etats-Unis.


Commençons par la couverture qui ne peut qu'attirer le regard. Deux bonnes noires en uniforme qui entourent une petite fille blanche. La photographie est en sépia et seules les bonnes sont en couleur ainsi que la robe rose de la petite fille. C'est ça « La couleur des sentiments ». Un monde où ce sont les couleurs qui ont de l'importance davantage que l'humain. Tout au long du livre on constate que les couleurs sont au centre de tout. La couleur de la peau, celle des vêtements... Pourquoi accorder tant d'importance à l'apparence alors que comme le raconte Aibilenn à la petite Mae Mobley dans ses histoires, la couleur des gens ne compte pas. Bref un titre accrocheur et une couverture qui donne envie d'en savoirdavantage.


Une fois le livre ouvert, difficile de ne pas se plonger dans l'époque des années 1960 dans le Mississipi, un Etat où les lois de ségrégation raciale étaient fortement appliquées et où la violence était monnaie courante envers les populations noires. Un climat de peur, d'insécurité que Kathryn Stockett a su retranscrire sans caricaturer les faits. L'auteure alterne les points de vue interne à la première personne et nous fait passer de Minny à Skeeter en passant par Aibileen. Chacun de ces personnages méritent une petite description tant elles m'ont été chères durant ma lecture.


Il y a tout d'abord Aibileen. Une bonne noire de cinquante-trois ans avec une très longue expérience dans son métier. Elle m'a de suite été sympathique tant elle est douce et patiente avec la petite Mae Mobley, la petite fille de la famille blanche qui l'emploie. Aibileen est une mère dans l'âme. Elle compense auprès de la petite le manque d'intérêt de Miss Leefolt pour sa fille. Pourtant Aibileen cache au fond d'elle-même un désir profond que les choses changent et qu'un jour, les enfants qu'elle a élevé ne lui tourne pas le dos sous prétexte qu'elle est noire. Lorsque Miss Skeeter, une blanche, lui propose de participer à la rédaction d'un livre de témoignages sur la conditions des bonnes noires dans les familles blanches, c'est mille sensations qui traversent Aibileen. Elle a envie. Elle a peur. Elle n'y croit pas. Mais finalement, elle sera le moteur de cette aventure, celle qui rassemblera. C'est une femme d'une grande sagesse et elle sait faire ressortir le meilleur en chacun.


Adaptation cinématographique plutôt fidèle au roman


Ensuite il y a Minny. C'est la bombe à retardement Minny. Elle boue en permanence et son franc parler lui a causé bien des soucis dans sa vie de bonne. Elle ne sait pas se contenir et voue une haine sans nom pour les blancs. Pourtant, Minny est finalement toute en nuance car elle aussi pleine d'amour et de compassion même si c'est à sa façon et que ça manque parfois de tact et de douceur. J'ai adoré la relation qu'elle établit avec sa nouvelle patronne Miss Célia. Minny est agacée et touchée à la fois par cette femme rongée par la solitude et un terrible secret.


Enfin, il y a Skeeter. C'est la femme blanche à l'initiative du projet de livre témoignage. Elle est à part même si elle côtoie les autres femmes blanches de la société et qu'elle écoute les propos anti-noir prononcés par ses amies. Skeeter n'est pas mariée et elle est plutôt moderne dans ses aspirations à devenir écrivain ou journaliste.
Elle-même a été élevée par une bonne noire dont elle garde un souvenir merveilleux mais qui a disparu de jour au lendemain sans la prévenir. C'est à partir de là que Skeeter voudra  en savoir plus sur les bonnes. Elle prend de gros risques pour elle et vis-à-vis des bonnes de ses amies lorsqu'elle propose son projet à Aibileen en premier. Pourtant quoiqu'il en coûte, Skeeter veut aller jusqu'au bout.


Au milieu de ces femmes au grand courage, il y a de nombreux autres personnages qui éveillent chez nous toutes sortes de sentiments : colère, incompréhension, antipathie, compassion...Etc Miss Hilly, Miss Leefolt ou encore les autres bonnes comme Yule May ou encore la mère de Skeeter.


Ce livre raconte le quotidien. Il est comme le livre de témoignage que rédigent les trois femmes dans l'espoir
que les choses évolueront. Nous sommes à l'époque de Martin Luther King et les choses commencent à bouger dans certains Etats mais le Mississipi reste ancré dans le passé. L'auteure nous relate des choses simples et nous plonge au cœur du racisme. On ne le comprend pas. Il semble ancré sans avoir aucun sens et pourtant il ne peut en être autrement dans l'esprit des gens de Jackson. Ceux et celles qui voudraient penser différemment sont immédiatement incriminés, mis à l'écart, bannis même de la société, si bien que la plupart préfèrent faire semblant  plutôt que d'avouer qu'ils ne ressentent pas d'aversion à l'idée de partager un repas avec une personne de noire par exemple.


L'écriture est au plus proche des personnages avec l'utilisation de la première personne. A chaque fois que l'on change de point de vue, l'auteure parvient à réellement nous donner l'impression que la voix change et le vocabulaire aussi.


C'est émouvant. C'est touchant. Il y a aussi des moments très drôles malgré tout. J'ai pris un grand plaisir lors de cette lecture qui m'a rappelé les sagas américaines telles que « Nord et Sud » ou même « Racines ».  C'est un roman historique de grande qualité pour moi car plus qu'aux faits il s'attache aux émotions, aux vécus personnels. Un livre à découvrir.


Editions : Babel

Auteure : Kathryn Stockett

Pages : 600

Prix : 9,70€

               


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