Kushiel tome 1 COUP DE COEUR

02/09/2014 10:46

 

Phèdre nô Delaunay a été vendue par sa mère alors qu'elle n'était qu'une enfant. Habitant désormais la demeure d'un haut personnage de la noblesse, pour le moins énigmatique, elle y apprend l'histoire, la théologie, la politique et les langues étrangères, mais surtout... les arts du plaisir. Car elle possède un don unique, cruel et magnifique, faisant d'elle la plus convoitée des courtisanes... et une espionne précieuse. Rien ne paraît pourtant lui promettre un destin héroïque. Or, lorsqu'elle découvre par hasard le complot qui pèse sur sa patrie, Terre d'Ange, elle n'a d'autre choix que de passer à l'action. Commence alors pour elle une aventure épique et déchirante, semée d'embûches, qu'il lui faudra mener jusqu'au bout pour sauver son peuple.

 

Mon avis :

 

J’ai du mal à trouver les mots pour exprimer le total émerveillement qu’à éveillé chez moi le premier tome de cette saga. Il est écrit sur le 4ème de couverture que «  La qualification de chef-d’œuvre est proche de la vérité », mais pour moi, c’est la vérité absolue. Jacqueline Carey a excellé là où tant d’autres ont réussi. « Kushiel » est la perfection incarné…. Non je n’exagère pas chers lecteurs, je suis simplement amoureuse de ce livre, de ses héros, de la plume de l’auteure (merci au traducteur pour le super travail). Je l’ai savouré durant trois semaines et je suis à présent heureuse d’une seule chose : il me reste encore deux tomes à lire pour cette trilogie et trois autres pour « Imriel », la suite de la saga. J’ai de quoi rêvé encore pendant un petit moment car je n’aime pas enchaîner les lectures, mais plutôt les espacer un peu pour profiter plus longtemps de ces moments délectables.

 

Comme d’ordinaire, je commencerai par la couverture du roman. C’est un sujet qui prête à polémique je pense. Bragelone a publié « Kushiel » avec des couvertures qui ne me plaisaient pas plus que cela dans un premier temps. Milady a ensuite sorti la version poche du roman il y a quelques mois, celle que je me suis procurée (959 pages quand même !), et n’a pas gardé l’illustration, lui préférant une représentation plutôt simple du tatouage de Phèdre, sa marque. Après lecture du pavé, je peux vous assurer que je suis fortement déçue par cette dernière couverture (même si le dessin du tatouage est très beau), car il ne rend pas hommage à l’ambiance de l’histoire comme le faisaient les illustrations de chez Bragelone finalement. Voyez ci-dessous et faites-vous votre opinion. Je me procurerai dès que possible les exemplaires de chez Bragelone si je parviens à en trouver à des prix raisonnables.

 

 

 

Passons maintenant à la chronique elle-même. Je ne sais pas du tout par quoi commencer tant le récit des aventures de Phèdre est dense. D’un point de vue général, je dirai que Jacqueline Carey a créé un univers incroyable où chaque chose est à sa place, chaque élément est précisé et chaque détail est important. Pourtant, ce foisonnement d’informations ne crée aucune longueur et c’est une histoire pleine de dynamisme et de rebondissements qui nous est contée. Oui, contée… Car c’est Phèdre elle-même qui nous fait l’honneur de nous narrer sa propre histoire. Le texte est donc écrit à la première personne et le lecteur est happé par cette autobiographie décrite avec virtuosité. Du début à la fin, de l’enfance à l’âge adulte en passant par l’adolescence, Phèdre nous fait vibrer au grès de sa plume, ou plutôt Jacqueline Carey… Mais sans doute sont-ce les mêmes… La profondeur de l’histoire tient également au fait que Phèdre, plus âgée maintenant qu’elle nous raconte ces faits, émet parfois ses regrets, pointant son immaturité de l’époque, sa naïveté.

 

On s'y retrouve bien non ?

 

 

Le roman suit l’évolution de Phèdre de son enfance à l’âge adulte (20 ans à peine même si ce n’est pas vraiment précisé). Je dirai que ce premier tome est véritablement dense de part la mise en place de l’univers dans lequel évolue les personnages. Nous sommes en pleine fantasy et de ce fait, Jacqueline Carey a créé un monde aux codes totalement différents. Ici, pas de créatures tels que les elfes, lutins ou autres dragons. Seuls les humains sont à l’honneur et finalement lorsqu’on y regarde de plus près, il est plutôt aisé de faire des correspondances entre les différents peuples de la saga et ceux de notre propre réalité. Les « Tsingani » sont les plus reconnaissables et font référence de manière évidente aux « Tsiganes ». L’auteure nous fait voyager avec son héroïne et vivre auprès de différentes cultures. Nous en apprenons sur chacune d’elle et il était plutôt ludique de faire des parallèles avec les civilisations que nous connaissons tous.

 

La religion est un thème central dans « Kushiel ». L’auteure a pris appui sur la religion judéo-chrétienne et a créé un nouveau Dieu : Elua le Béni. Son précepte est simple : « Aime comme tu l’entends ». A bien des égards, j’ai parfois fait le lien entre les servantes de Naamah (la compagne d’Elua) qui vouent leur vie aux plaisirs du corps jusqu’à l’élevé au rang d’art, et les geishas japonaises. Jacqueline Carey donne à la prostitution une toute autre envergure. Dans « Kushiel », nous avons a faire à des courtisanes qui sont réparties dès l’enfance au sein de treize maisons. Ces dernières ont chacune des codes différents, tant par le physique de ses servantes que par leurs compétences en matière de sensualité. Phèdre est née avec une tare : une tache vermeille sur un œil qui l’empêche de pouvoir servir Naamah. Aucune maison n’accepte de la recueillir sauf celle du Céreus où sa mère l’a vendue et où elle grandit jusqu’à ses dix ans sans espoir de devenir une servante renommée. Pourtant, Anafiel Delaunay reconnait en elle le signe de Kushiel… C’est un érudit et il achète donc la petite Phèdre, dont le prénom la destine à un avenir bien sombre. Il décèle chez la petite fille un potentiel que personne n’avait su voir et Phèdre est donc éduquée chez lui, auprès d’Alcuin, un autre élève. Phèdre est une "anguissette".  Seulement voila, Delaunay n’est pas un simple noble et c’est dans un but bien précis qu’il a décidé d’élever deux enfants et de les instruire plus que de raison. Anafiel Delaunay est au cœur des intrigues royales et Alcuin et Phèdre seront ses yeux et ses oreilles pour déjouer des complots par le biais de ce qu’on appelle nous « le plus vieux métier du monde ». Il est bien connu que les langues se délient dans l’intimité. Il est à noté également que l’auteure prône ici une tolérance absolue envers les différentes façons d’aimer. L’homosexualité fait partie de ce monde sans qu’elle ne soit stigmatisée car encore une fois « Aime comme tu l’entends ». Quant aux pratiques diverses et variées telles que le sadomasochisme, elles sont également exempt de tout jugement.

 

 

 

« Kushiel » n’est donc pas qu’une simple histoire de sexe. Toute une mythologie a été créée et une intrigue royale énorme jalonne le récit. Delaunay a su voir en Phèdre un instrument de choix pour servir ses desseins. Phèdre saura-t-elle remplir sa mission ? Une chose est certaine, sa loyauté envers Delaunay est telle qu’elle la mènera au bord du précipice, risquant sa vie à maintes reprises, loin d’imaginer qu’un destin de cet acabit pouvait l’attendre, elle « le fruit non désiré des amours d’une traînée » (propos de la Dowayne de la maison de Céreus). Certains pourront reprocher à cette lecture une certaine complexité, notamment dans la reconnaissance de tous les personnages. L’auteure a pris soin au début du livre de dresser une liste des personnages avec leur fonction et leurs liens de parenté afin de nous aider à nous retrouver. Pour ma part je n’ai pas eu à le consulter et bien que parfois quelques doutes subsistent, cela n’a en rien gêné ma lecture. La gymnastique intellectuelle que cela engendre, demande un temps d’adaptation mais on finit par s’y habituer et à comprendre les enjeux de chaque personnage, de chaque royaume. On y prend plaisir même.

 

Une bonne parte de ce pavé est consacré à l’acquisition de la marque de Phèdre, ce fameux tatouage, qui une fois achevé en servant Naamah (comprenez, en ayant des rapports des sexuels consentis avec de riches personnages qui la financent), permet à cette dernière d’être véritablement libre. On suit l’éducation de la jeune fille, ses rencontres avec ses différents clients qui s’avèreront très utiles pour la résolution de l’intrigue par la suite. Immédiatement l’auteure a su nous rendre Phèdre attachante. L’utilisation de la première personne et du passé donne du cachet au récit. Phèdre nous raconte son histoire on sent au travers chaque ligne, les peines et les joies qu’elle a pu ressentir à chaque étape de sa vie. Ce sont des souvenirs gravés dans sa peau autant que la marque dans son dos. De nombreux sacrifices pour une cause noble.  C’est une femme charismatique, fougueuse parfois et d’une intelligence incroyable façonnée par Delaunay

 

Melisande et Phèdre

 

Chaque personne que notre héroïne croise possède sa propre histoire et Phèdre nous en fait part, nous les rendant tout aussi sympathiques et détestables. Il y a Hyacinthe le prince des voyageurs, Joscelin le frère Cassilin et protecteur de Phèdre ( je suis amoureuse … ), mais également Delaunay lui-même que j’ai tant aimé, ou Quintilius Rousse le marin bourru, la perfide et sublime Mélisende. Phèdre va tout subir : l’humiliation, la renommée, la torture. Elle va voyager sur terre comme sur mer, perdre des êtres chers et trouver des amis sincères. C’est une véritable épopée qu’elle traverse. On tremble parfois pour elle et pour les siens. On rage contre d’autres. Tout est justement dosé et terriblement bien décrit. Les intrigues se démêlent doucement, nœud par nœud au fil des pages et des révélations.

 

 

Je m’incline également devant cette plume au langage soutenu et très riche. C’est un régal que de lire des romans où les auteurs ont le souci du détail et du mot précis. Jacqueline Carey parvient à rendre fluide son récit malgré l’utilisation d’un vocabulaire recherché. Les tournures de phrases restent accessibles et les descriptions bien que nombreuses s’intègrent parfaitement à l’action. Quant à cette dernière, elle est bien présente et racontée de telle manière que pus d’une fois je me serai crue sur le champ de bataille …

 

Je pourrai je crois passer des heures à vous décrire ce roman tant il m’a transportée, mais je crois que la meilleure chose que j’ai à faire est de vous conseiller de vous plonger dedans à corps perdu. Vous y trouverez une héroïne atypique, trouvant son plaisir dans la douleur et tel est son malheur. Vous trouverez également une mythologie originale, des personnages profonds auxquels vous vous attacherez sans un doute. Enfin, vous serez au cœur d’une intrigue politique d’une envergure insoupçonnable. Le tout vous donnera l’impression de lire une histoire s’étant véritablement déroulée et là est toute la subtilité de Jacqueline Carey : parvenir à presque nous faire croire que nous lisons une romance historique dont la véracité des faits n’est même pas à prouver… Pas mal non ?

 

Plus qu'un coup de coeur..... Je reste étrangement surprise que cette saga ne soit pas plus connue.

 

Bon et bien qu’attendez-vous ? Pourquoi êtes-vous encore en train de lire cette chronique ? Pourquoi n’êtes-vous pas déjà chez votre libraire pour vous procurer ce chef-d’œuvre ? Allez hop ! Et surtout venez me dire ce que vous en avez pensé…

 

 

 

 

 Editions : Milady

Auteure : Jacqueline Carey

Pages : 958

Prix : 12,90€

 

 



 

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