Ghislaine Bizot

 

 

 

 

VanouVousLivre : Bonjour Ghislaine Bizot et merci d’accepter cette petite interview.

 

GB : Merci à vous de m’accorder ce temps. Être mise « à la une » est un grand plaisir pour moi.

 

VanouVousLivre : J’aimerais mieux vous connaître et les lecteurs aussi j’en suis sûre. Pourriez-vous nous parler un peu de vous ? Etes-vous écrivain à temps plein ou avez-vous une autre activité ? Quelles sont vos centres d’intérêts ?

 

GB : Je n’aime pas trop parler de moi mais je vais faire un effort… Je suis mariée, maman de trois grands enfants. Si l’on considère que je ne travaille plus (j’étais enseignante, j’ai arrêté ma carrière de manière anticipée) on pourrait en déduire que je suis écrivain à temps plein mais dans la réalité il n’en est rien. Je suis passionnée par ma famille, le théâtre, la lecture et l’écriture. Je n’écris pas tous les jours par manque de temps, et de discipline aussi certainement.

 

VanouVousLivre : Ce qui nous amène ici c’est notre goût pour les mots. Vous en tant qu’écrivain et moi en tant que lectrice. Depuis quand êtes-vous tombée dans la marmite de l’écriture ? Que vous apportent ces heures à noircir des pages ? D’ailleurs êtes-vous plutôt stylo ou clavier ?

 

GB : Comme toutes les personnes qui écrivent, cette passion m’habite depuis longtemps. J’ai toujours laissé des traces écrites, des morceaux d’histoire sans oser aller au bout, en me cachant derrière l’excuse du manque de temps. Ces écrits étaient pour moi, sans les travailler, juste pour satisfaire ce besoin d’écrire qui me prenait sans prévenir. Personne ne les lisait. Ensuite j’ai commencé à écrire pour le théâtre. Je suis présidente d’une association de théâtre. J’ai écrit des pièces de théâtre de prévention, l’accueil du public et de mon entourage a été tel que, en 2010, j’ai osé m’adresser aux éditeurs. Actuellement  4 de mes pièces ont été publiées. Ensuite j’ai écrit pour les enfants et les ados puis est venu le roman. Enfin tout ceci ne s’est pas forcément fait dans cet ordre, je donne l’ordre de parution pas d’écriture.

L’écriture est un exercice difficile, chronophage, angoissant même parfois mais j’y trouve un bonheur immense lorsque je parviens à créer une ambiance et à exprimer avec des mots les sentiments à fleur de peau. Trouver les mots, dire les choses, voilà ce qui m’intéresse.

J’écris au clavier parce qu’il faut faire et refaire pour qu’une phrase sonne bien. C’est plus agréable que des ratures dans tous les sens.

 

VanouVousLivre : Mal dans la peau est-il votre premier roman publié ? Si oui quelle sensation avez-vous ressentie lorsque vous avez tenu votre œuvre entre vos mains ?

 

GB : Oui Mal dans la peau est mon premier roman publié. La véritable émotion, je l’ai ressentie en août 2012 lorsque Julie des Editions Calepin m’a annoncé que mon manuscrit était accepté. J’avais envie de pleurer face à mon écran. Je n’y croyais pas. L’aventure était trop belle pour être vraie. Les contacts avec les Editions Calepin ont été riches, très agréables et respectueux. J’ai pu donner mon avis sur l’élaboration de la couverture, ce qui est assez rare pour être souligné. J’ai suivi la naissance du livre avec grand bonheur, mais quand j’ai tenu le livre entre mes mains, j’étais intimidée, étonnée d’être l’auteure dont le nom était inscrit sur la couverture… Les premières dédicaces ont été très émouvantes.

 

VanouVousLivre : Quels sont les 5 romans que vous emmèneriez avec vous dans le sud au fin fond d’une campagne ?

 

GB : Difficile de répondre à cette question pour une raison de lieu déjà J Je ne partirai jamais dans le sud au fin fond de la campagne,  de forme ensuite parce que maintenant avec les livres numériques il est possible d’emporter sa bibliothèque partout, de choix enfin parce que je suis incapable de dire les 5 livres que je préfère. Cela dépend de mon humeur. J’ai peur en en citant 5 d’en oublier d’autres et puis parfois j’aime un livre d’un auteur mais j’aime moins ses autres publications.  Je peux vous dire les genres que je n’aime pas du tout : la science-fiction, fantasy, la lecture érotique, le paranormal et tout ce qui tourne autour des vampires ne m’intéressent absolument pas. Je n’aime pas non plus les romans policiers trop noirs. J’aime les romans qui parlent des blessures, des failles de l’être humain. J’ai quelques auteurs qui me viennent en tête spontanément pour les contemporains : Philippe Claudel, Anna Gavalda, Olivier Adam, Claudie Gallay, Sorj Chalandon, Jean-Louis Fournier, Barbara Constantine, Françoise Xénakis, Muriel Barbery… J’arrête là mais c’est affreux parce que je suis sûre que j’en oublie. Si vous m’aviez posé la question lorsque j’étais adolescente je vous aurais répondu sans hésitation Boris Vian exclusivement. Dans les classiques j’aime aussi Zola, Troyat, Bazin, Colette, Maupassant et sûrement d’autres… Et je lis aussi du théâtre, forcément ! Vous voyez que le format numérique est utile pour mes voyages !

 

 

 

VanouVousLivre : Parlons maintenant de Mal dans la peau. Pourquoi la forme épistolaire. Celle-ci est peu utilisée de nos jours. Etait-ce par volonté de se démarquer ou par réel choix d’auteur ? Un roman classique aurait-il selon vous donné le même effet ?

 

GB : Chaque auteur fait des choix conscients ou non dans l’écriture d’un roman. Je ne me suis pas mise à l’écriture de ce roman en me disant que j’allais me démarquer. Ce roman est venu à la suite d’une longue réflexion. C’est un risque d’écrire dans un format qui ne se fait plus. Il faut d’abord trouver l’éditeur qui aura l’audace de publier un roman dans une forme inattendue et ensuite il faut trouver des lecteurs qui adhèrent à cette idée. Les jeunes adultes actuels, ceux qui ont entre 25 et 30 ans, n’ont pas connu ces échanges de lettres qui existaient avant la naissance d’internet et des SMS. Ils peuvent les trouver niaises parce que plus personne ne raconte sa vie comme ça maintenant. Sur Facebook on dit beaucoup de choses de sa vie, on annonce des mariages, des réussites scolaires, des grossesses, des ruptures, des recettes de cuisine mais de façon courte, synthétique et presque impersonnelle puisque ces écrits s’adressent au mieux à ses amis, au pire au monde entier. L’unité de temps semble avoir changé aussi avec l’arrivée des réseaux sociaux, tout va très vite, du coup on prend moins le temps de réfléchir aux états d’âme. Pour toutes ces raisons revenir à l’écriture de la lettre me semblait intéressant. Ensuite le sujet m’y a poussée. Mon idée était de montrer que la violence conjugale peut nous côtoyer sans qu’on la voie réellement parce qu’on refuse de la voir ou qu’on nous la cache.  L’éloignement ajoutait une dimension à l’isolement de Carole et puis la lettre est l’objet idéal pour dissimuler. On n’y affronte pas le regard de l’autre, on y livre ce que l’on veut en prenant son temps. Il n’y a pas de spontanéité dans une lettre, il est possible de peser chaque mot pour donner une image de la réalité. Je ne me suis pas posée la question de l’écriture classique de ce roman. Sa forme est venue naturellement. J’avais le sujet, je l’ai longtemps porté en moi. J’avais d’abord pensé en faire une pièce de théâtre mais j’ai vite abandonné cette idée pour construire un roman. Lorsque je suis passée à l’écriture sa forme s’est imposée, elle n’est pas venue après avoir essayé d’écrire un roman classique, elle était là dès l’écriture de la première ligne.

 

VanouVousLivre : Ce livre traite d’un sujet sensible qui comme je le dis dans ma chronique semble être à vocation sociale. Quelle est sa genèse ? Quel message souhaitiez-vous transmettre à vos lecteurs ?

 

GB : Cette question appelle une réponse longue et compliquée. Répondons sur la vocation sociale… Je vous l’ai dit j’écris du théâtre de prévention et j’ai une formation d’enseignante, j’étais même formatrice d’enseignants puisque je travaillais avec l’IUFM  en alternance entre des groupes d’étudiants et ma classe. Par ailleurs mon éducation a été faite dans le respect de l’être humain et l’écoute. Sitôt que quelqu’un ouvre la bouche je l’écoute où que je me trouve. Il m’est par exemple difficile de lire dans le métro ou le train car j’ai toujours quelqu’un à écouter, même des inconnus J. Je dois être un peu commère sur les bords. J

Je suis donc une éponge, je lis le journal tous les jours , la politique mais aussi les faits divers, les reportages de société, les pages culturelles et même les annonces nécrologiques ! À partir de toutes ces histoires je me construis des personnages.  J’ai construit le personnage de Carole peu à peu à travers tout ce que je découvrais dans divers reportages.

L’emprise de l’être humain sur un autre est fascinante et je pense que personne n’en est à l’abri. Tout est une question de rencontres, d’alchimie. On parle souvent de dominateur dans une relation, on retrouve même cette notion dans les fratries. Jusqu’où aller ? Jusqu’où accepter ?  Parfois je pense qu’il faut peu de chose pour qu’une vie bascule. Il suffit d’une réponse inappropriée, d’un consentement qu’on regrette ensuite, d’un attachement incompréhensible et on se laisse embarquer dans une histoire qu’on n’aurait jamais imaginée auparavant. C’est le cas de Carole mais on retrouve cet état de fait dans les harcèlements sous toutes ses formes (au travail, violence scolaire, dans les familles envers les personnes âgées ou faibles)… Le message si message il y a,  serait plutôt un conseil : prendre parfois le temps de s’arrêter et de se poser la question de ses relations avec les autres quels qu’ils soient. Est-ce cette vie qui est la mienne, est-ce cette vie dont je rêvais ? Et si, malheureusement la réponse est non, il faut examiner comment changer les choses et parfois partir même s’il est très difficile de quitter quelqu’un. En fait dans le roman il y a aussi un message en direction des personnes qui seraient dans la position de Marie, l’amie qui n’ose pas intervenir. Un message qui montrerait l’importance de la présence, l’importance des petites phrases jetées ça et là et qui permettent de semer le doute dans l’esprit de la personne harcelée. J’ai déjà eu des témoignages de lectrices à qui ce livre a été utile et j’en suis à chaque fois bouleversée. L’une d’entre elle m’a dit qu’elle avait compris la détresse de son amie parce qu’elle employait les mêmes phrases que Carole. D’autres m’ont dit s’être reconnues dans son histoire. Tout ceci me touche énormément. J’aime bien l’idée que mon roman parle aux personnes qui le lisent, qu’il les bouleverse, les captive et les fasse réfléchir. Je suis vraiment heureuse quand mes lectrices (je n’ai pas encore eu de réaction de lecteur) me font part de leur émotion et de leurs réflexions.

 

 

 

VanouVousLivre : L’amitié est le fil conducteur. Malheureusement, vous démontrez au travers de cette histoire, que mêmes les meilleures amies du monde peuvent se mentir, ou tout du moins se dissimuler des pans entiers de leur vie. Pourquoi Carole ne parvient-elle pas à se confier à Marie ?

 

GB : Carole n’est pas une menteuse. Elle est obligée de cacher la réalité de sa vie car elle est partagée entre plusieurs sentiments. Elle est follement amoureuse de Fabrice, elle l’a dans la peau comme on dit. Elle ne peut donc pas envisager de le quitter pourtant au fond d’elle-même elle sait que ses actes sont impardonnables. Elle est consciente également que si elle raconte réellement ce qui se passe dans son couple, Marie lui conseillera de le quitter et au début du roman elle ne veut pas. Elle pense que tout s’arrangera avec le temps. Elle l’espère. Nous connaissons tous ça à une échelle moindre : notre conjoint ou ami(e) a toujours un défaut qu’on ne supporte pas, on pense qu’avec le temps ça s’arrangera, on fait comme si cela n’existait pas. Le défaut ne passe jamais ou rarement mais chacun s’en accommode pour ne pas perdre l’être aimé.   Carole ne parvient pas à se confier à Marie parce qu’elle refuse de regarder la vérité en face. Marie l’a compris, elle ne reproche pas à Carole de mentir, elle sait qu’elle lui cache quelque chose mais elle- même a du mal à s’avouer  l’horreur de la situation. Marie passe d’hésitation en hésitation, elle est sûre puis elle doute et elle n’ose pas donner des conseils trop incisifs à son amie. Leur relation  se trouve chamboulée par ces évènements mais leur amitié reste bien présente et indestructible. Carole s’y accroche et c’est ce qui l’aidera à réagir.

 

VanouVousLivre : les intermèdes narratifs nous permettent de plonger dans la réalité de la vie de Carole ou tout du moins dans ses ressentis. J’ai eu parfois l’impression que vous ne vouliez pas choquer. Ce roman aurait pu être plus cru dans les moments de récit. Suis-je dans le vrai ou absolument pas ?

 

GB : Non, ce qui m’intéressait était l’emprise psychologique. Comment peut-on accepter ça ? Quelle image a-t-on de soi ?  Il ne s’agissait pas de décrire les scènes mais de comprendre leur impact sur la vie de Carole et les conséquences que ces actes pouvaient avoir sur sa vie sociale en général. L’émotion me semblait plus importante à montrer que la violence en elle-même.

 

 

VanouVousLivre : Je n’ai pas encore lu le bonus qui contient les nouvelles de Caroles à Marie. Pourquoi avoir poursuivi ces échanges dans un bonus au lieu de les inclure directement au livre initial ?

 

GB : Tout d’abord je tiens à rectifier : le bonus n’est pas une lettre de Carole à Marie, c’est une lettre de Carole à ses lectrices. Carole envoie à celles qui le demandent une lettre manuscrite qui arrivera dans leur boîte aux lettres. Elle y explique sa vie depuis son départ. Je ne l’ai pas inclus au livre car je n’avais pas l’intention de l’écrire. Les lectrices m’ont souvent demandé ce qui était arrivé à Carole ensuite, après son départ. Cet intérêt est assez touchant. Elles s’inquiètent pour elle. J’ai donc proposé aux Editions Calepin de continuer la correspondance. La forme de mon livre étant épistolaire il m’a semblé évident que Carole envoie une lettre aux lectrices qui s’inquiètent à son sujet. Elles découvriront ainsi le bonheur de recevoir une lettre qui soit autre qu’une facture ou une publicité, une lettre d’une amie…ou presque…

 

VanouVousLivre : Quels sont vos projets à présent ? Avez-vous d’autres romans en cours d’écriture ?

 

GB : Oui j’en ai un qui est déjà à la recherche d’un éditeur et j’ai commencé tout récemment la rédaction d’un nouveau roman.

 

VanouVousLivre : Merci Ghislaine Bizot pour cette belle découverte.

 

G B : Merci à vous pour  votre intérêt !

 

 

Editions Calepin

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